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28 September 2014

Nos Partenaires Européens

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J'ai toujours pensé qu'on ne connaît pas vraiment quelqu'un tant qu'on n'a pas observé son comportement dans une situation de crise personnelle. Par exemple, la réaction d'un mari le jour où sa femme demande le divorce montre sa vraie nature. Il y a des hommes qui reconnaissent avoir mal agi et corrigent leurs erreurs. Parfois, cette réaction honnête permet de mettre fin à la crise. D'autres maris réagissent de façon colérique et violente. Leur déception les conduit parfois à se moquer de la femme et à l'insulter et la menacer. Quand le mari montre à sa femme sa véritable personnalité despotique et abusive, l'image qu'elle en a se dégrade et son envie de partir grandit. 

Je dois avouer que j'utilise souvent l'analogie du divorce pour réfléchir au processus de séparation que vit la Catalogne. J'y pense, par exemple, quand je lis les réactions de certains experts autoproclamés espagnols devant l'extraordinaire exhibition de force du souverainisme du 11 septembre dernier à Barcelone. La plupart d'entre eux sont désorientés, sans comprendre réellement ce qui s'est passé en Catalogne.

Certains croyaient que l'indépendantisme catalan était une réaction passagère causée par la crise économique, et ils pensaient que, maintenant que l'Espagne commence à sortir de la récession, le "soufflé" retomberait. Ces analystes, cependant, n'ont pas remarqué que cette crise n'est pas la première que traverse l'Espagne et qu'aucune des précédentes n'avait fait croître le sentiment indépendantiste. À elle seule, donc, la crise ne peut pas en être l'explication.

D'autres gourous sont persuadés que le souverainisme est le résultat d'années d'endoctrinement par TV3 [la télévision publique catalane] et par l'école publique. Cette explication ne tient pas compte du fait que la plupart des citoyens catalans ne regardent pas TV3 (son taux d'audience n'a jamais atteint 30%). Elle ne tient pas compte non plus du fait que l'indépendantisme est présent sans distinction d'âge. Ainsi donc, si c'était la faute de l'école, comment se fait-il que des personnes de ma génération soient devenues indépendantistes malgré le fait de n'avoir jamais fréquenté cette école "maligne" et "manipulatrice" ? La thèse de l'endoctrinement tombe, donc, par son propre poids. 

Un troisième groupe soutient que la faute revient à Artur Mas [NDT : président du gouvernement catalan], lequel serait devenu fou, folie dans laquelle il aurait entraîné l'ensemble des Catalans. Le problème de cette explication est que, quand Artur Mas, en septembre 2012, prit la planche de surf et décida de monter sur la vague, cela faisait déjà deux ans que le tsunami était en mouvement. La nouvelle position adoptée par Mas fut la conséquence, non pas la cause, de l'apogée de l'indépendantisme parmi la population. La théorie du leader fou ne tient donc pas.

Si le boom souverainiste ne repose pas sur la crise, ni sur l'endoctrinement, ni sur un coup de folie de Mas, quelle en est donc l'explication ? J'ai l'impression qu'elle a à voir avec la réponse du mari quand sa femme décide de divorcer : la réaction de l'Espagne devant la possibilité que nous nous en allions a montré sa vraie nature. Et ce que nous avons vu ne nous a pas plu du tout !

Le Statut d'autonomie de 2005 était un petit avertissement de la Catalogne pour montrer que les relations n'étaient pas tout à fait bonnes. À ce moment-là, personne, même pas Esquerra [ERC, parti de gauche indépendantiste] ne demandait le divorce. Nous demandions que l'on nous reconnaisse en tant que nation, que l'État investisse davantage en Catalogne et que la solidarité entre les régions soit revue (et non pas qu'elle disparaisse). C'était tout. La réaction des grands partis politiques et des institutions espagnoles montra le vrai visage de notre "conjoint" de longues années : le président du gouvernement espagnol (José-Luis Rodríguez Zapatero) renia sa promesse d'approuver le Statut adopté par le Parlement catalan, le PP [parti espagnol de droite, alors dans l'opposition] présenta un recours devant une Cour Constitutionnelle délégitimée et politisée, qui amputa le Statut au point de le rendre méconnaissable. Cette humiliation fit que des milliers de Catalans, voyant qu'il n'y avait rien à faire en Espagne, optèrent pour le souverainisme. 

La réaction de l'Espagne devant ce virage fut encore plus violente et menaçante : ils nous dirent qu'ils utiliseraient leur pouvoir de veto pour nous exclure de l'Europe "pendant trois générations", que sans leur marché nous nous ruinerions, que nous ne toucherions plus nos retraites, qu'on nous boycotterait et que nous "errerions dans l'espace pour les siècles des siècles". Et plus les menaces étaient radicales, plus clairement nous voyions la véritable nature de ceux qui avaient été des années durant nos partenaires... et moins nous aimions ce que nous voyions.

La situation s'est détériorée à tel point que pendant ces derniers mois nous avons assisté à un spectacle dantesque : nous avons vu comment l'État espagnol utilisait les services d'intelligence, que nous finançons tous, pour espionner ses propres citoyens et comment il utilisait l'information à des fins politiques contre le mouvement souverainiste. Nous avons vu comment le Ministère de l'Intérieur, financé aussi par nous tous, utilisait la police pour filtrer de faux rapports dans le but de manipuler des résultats électoraux. Nous avons vu le Ministre des Finances, que nous finançons tous, utiliser les instruments de l'État (dont l'Unité de Délinquance Économique et Fiscale, UDEF) dans le but de poursuivre ceux qui, comme Jordi Pujol [ancien président du gouvernement catalan], ont cessé de lui être utiles et qui "ne trouvent plus aucun argument contre l'indépendance". Nous avons vu comment l'État utilisait avec sectarisme les ambassades, que nous finançons tous, à des fins de propagande anti-indépendantiste, et nous avons vu aussi ses consuls et ambassadeurs, que nous finançons aussi tous, agir tels des commissaires politiques appliquant la censure à des citoyens catalans invités à des conférences et à présenter des livres de par le monde.

Le comble du ridicule a été atteint lorsque le Ministre des Finances lui-même a justifié ces agissements en prétendant que l'État a le droit de se défendre... et personne n'a rien trouvé à redire ! Eh bien, moi je ne trouve pas cela normal et je refuse de m'y résigner ! La démocratie ne consiste pas seulement à faire des élections tous les quatre ans et à dire qu'il faut respecter la Constitution. La démocratie consiste aussi à protéger les citoyens devant les abus de l'État. Et quand l'État espagnol dévoie ses propres institutions à des fins partisanes, il n'abuse pas seulement de nous, citoyens. Il nous montre aussi, avec une transparence cristalline, sa vraie nature : autoritaire et antidémocratique.

Le problème pour l'Espagne c'est que cela saute aux yeux de tous les Catalans... mais aussi aux yeux du reste du monde. Et cela inclut nos partenaires européens.

 

Diari Ara, 17 Sept 2014.

Traduit par Asamblée National Catalane, ANC France

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